Bibliographie
Kathleen Bühler, Tristan Lavoyer et alii, Luc André. ON, cat. exp. Pully, Musée d’art, Berne, Till Schaap Edition, 2016.
Christian Bernard, Emmanuel Latreille et Denis Savary, Luc Andrié, cat. exp. Montpellier, FRAC Languedoc-Roussillon, Genève, Mamco, 2007.
Lors de performances privées dans l’intimité de son atelier, Andrié, en slip ou affublé d’un ridicule képi, joue des rôles, reproduit des attitudes observées ailleurs, puis fixe ces images à l’aide d’un appareil photo. Suit un long travail de peinture où il s’agit à la fois de révéler et de cacher, de faire apparaître et de dissoudre dans des couleurs ambiguës, intermédiaires, fades, sales, « pisseuses », en tout cas peu séductrices. Ces figures fantomatiques – ce ne sont plus des autoportraits – nous regardent et se dérobent, nous cherchent, nous provoquent. Elles se soustraient, d’une part, à une identification du personnage représenté et, d’autre part, à une consommation immédiate. En raison de la mise à distance opérée par un véritable voile de peinture, elles requièrent de la part des spectateurs un long travail d’approche. Ce corps dissout dans la couche picturale forme une peinture latente, en attente d’appréhension. Dans ce sens, elle est le contraire de l’immédiateté du « message » d’un Franz Xaver Messerschmidt ou d’un Arnulf Rainer, autres artistes faiseurs de grimaces.
De par son côté insaisissable, cette peinture est tributaire de l’esthétique du grotesque, avec la disparition des contours nets, le refus de l’harmonie, l’apologie de l’incohérent, la critique de la réalité. Le corps désincarné de la suite L’homme blanc n’a plus de peau n’est plus celui d’Andrié, mais celui de l’homme blanc tout court, exposé dans toute sa faiblesse : ecce homo ! Comme l’écrit Alberto de Andrés, « pour se peindre, Luc Andrié retient son souffle. Il révèle du coup l’absurdité et la stupidité de l’humain dans sa prétention à s’emparer de lui-même par l’image et, à travers elle, à s’emparer du monde. »