Eugène Grasset
Apparition d’un visage nimbé dans le ciel au-dessus de Paris, 1898

  • Eugène Grasset (Lausanne, 1845 - Sceaux, 1917)
  • Apparition d’un visage nimbé dans le ciel au-dessus de Paris, 1898
  • Mine de plomb et aquarelle sur papier, 45,3 x 31,8 cm
  • Acquisition, 2018
  • Inv. 2018-023
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Cette feuille fait partie des sujets imaginés par Grasset qui expliquent l’intérêt que les milieux idéalistes portent à son œuvre dès le début des années 1890. Sensible comme eux au sacré, au mystère et au rêve, l’artiste partage aussi le goût des symbolistes et des décadents pour les figures angéliques, légendaires et musiciennes, et pour les récits héroïques médiévaux.

Ici, un visage nimbé se dessine, immense et surréel, dans le ciel nocturne de Paris. Cette épiphanie atemporelle forme un contraste saisissant avec la représentation d’un paysage moderne des bords de Seine, situé par le pont Sully et les tours de la cathédrale Notre-Dame. Ce contraste se répète dans le registre des couleurs entre le jaune cadmium de la face éthérée et le bleu mêlé de noir du fleuve qui serpente entre les quais. Il se poursuit entre le traitement naturaliste du premier plan et la stylisation décorative des nuages zébrant le ciel, un des motifs favoris de Grasset depuis Jeanne d’Arc, sa célèbre affiche de 1889 pour un spectacle de Sarah Bernhardt.

C’est précisément Jeanne d’Arc que l’on pourrait reconnaître dans cette adolescente androgyne, juvénile et sévère, au regard fixe, revêtue d’une cotte de mailles et tenant la hampe d’une bannière. Comme Jean-Auguste-Dominique Ingres dont il se souvient sans doute (Jeanne d’Arc au sacre du roi Charles VII, 1854, Paris, musée du Louvre), Grasset la dote d’un nimbe, et ce au moment même où l’Église ouvre son procès en canonisation (1897). L’artiste a souvent manifesté son attachement à cette héroïne de l’histoire de France, dont sa mère porte le prénom. Outre l’affiche déjà citée, il retrace les épisodes de l’épopée de la Pucelle dans les dix verrières de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans pour un concours lancé en 1893. En 1898, il travaille à un vitrail représentant Jeanne pour l’église de Vaucouleurs. Ici, il lui donne l’apparence d’un nouvel astre dont l’éclat viendrait réveiller les consciences d’une ville endormie.

Bibliographie

Jean-David Jumeau-Lafond, « Eugène Grasset et la question du symbolisme », in Catherine Lepdor (dir.), Eugène Grasset. L’art et l’ornement, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2011, p. 85-95.