Bibliographie
Oskar Bätschmann et Paul Müller, Ferdinand Hodler : Catalogue raisonné der Gemälde, 2 vol., Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Scheidegger & Spiess, 2008, n° 164.
Tobia Bezzola, Paul Lang, Paul Müller (dir.), Ferdinand Hodler, Le paysage, cat. exp. Genève, Musée Rath, 2003-2004, Paris, Somogy et Genève, Musées d’art et d’histoire, 2003, p. 161-162, n° 6.
Hodler peint ce paysage au pied du Salève, près de Veyrier dans la campagne genevoise. L’œuvre est le plus grand format d’une quinzaine de vues de cette région marécageuse réalisées entre 1888 et 1892. Contrairement à nombre de ses contemporains, le peintre n’adopte ici ni l’écriture notationnelle, ni la couleur pure des impressionnistes ; il harmonise ses tons sans recourir au mélange optique. Son pleinairisme s’inscrit donc toujours à cette époque dans la tradition de Barthélemy Menn et de Camille Corot, quand bien même sa recherche d’un style plus lumineux et plus architecturé – mis plus tard au service d’une esthétique symboliste – s’annonce déjà.
La fascination manifeste pour les roseaux traduit la préoccupation de l’agencement rythmique des motifs selon un principe d’organisation supérieur. La répétition verticale des tiges, et horizontale des feuilles, illustre le « parallélisme », ordre caché de la nature que Hodler entend révéler. Si le Salève n’apparaît que peu, et décalé sur le côté droit, on remarque l’attention réservée à la stratification de ses couches calcaires, informée par les cours du célèbre géologue Carl Vogt auquel l’artiste assiste à Genève. Le contraste entre l’éternité de la montagne et l’éphémère des roseaux, entre la pierre et le végétal, les jeux des correspondances qui relient les deux motifs donnent beaucoup de force à la composition.
Première œuvre de Hodler à entrer dans la collection du Musée, troisième tableau – et premier paysage – à être acquis par une institution publique, cet achat marque, en 1894, une étape dans la consécration de l’artiste. Hodler a trente-cinq ans. Il avait peint jusqu’alors dans l’indifférence, l’incompréhension ou l’hostilité, et il vivait encore pauvrement de son art.