Bibliographie
Oskar Bätschmann, « René Auberjonois : une quête impossible », in Jörg Zutter (dir.), René Auberjonois, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Genève, Skira, 1994, p. 57-73.
Hugo Wagner, René Auberjonois. L’Œuvre peint – Das gemalte Werk, Catalogue des huiles, pastels et peintures sous verre, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Denges-Lausanne, Éditions du Verseau, 1987, p. 114 et n° 400.
Auberjonois s’est souvent attelé à l’exercice de l’autoportrait. Il en sait les difficultés. Il écrit en 1916 : « C’est une rude épreuve que ce dialogue silencieux qu’est une peinture de soi-même. » Il déplore aussi que la confrontation avec le miroir provoque chez les artistes « le désir d’une attitude ». À cette époque déjà, il n’est question pour lui que de « chercher [s]on équilibre dans un cadre ». Ce parti pris de la forme et de la composition au détriment de l’originalité d’une pose ou d’un décor est au cœur de son esthétique. Pour lui, ce qui importera toujours, c’est « la tenue », la tenue de la toile, la tenue du corps, et jusqu’à la tenue vestimentaire.
L’Autoportrait de 1929 offre un exemple accompli de cette austérité. À commencer par les habits du peintre, qui ne se montre pas en tenue de travail, mais en veston et gilet boutonnés, en chemise blanche et nœud papillon. Seule dérogation à cette mise stricte, une couverture à franges, qui renvoie au large manteau posé sur les épaules de Cézanne dans son célèbre portrait gravé par Pissarro (1874), discret hommage d’Auberjonois à l’un de ses maîtres.
Ici, assis très droit sur un tabouret, le peintre tient une palette où sont posées des couleurs pures. Elles attirent l’attention sur les éléments fondamentaux du métier, tout comme les mains gigantesques et la concentration de son regard. La construction du tableau est simple et sévère. L’arrière-plan est occupé aux trois quarts par un large panneau vert foncé. Derrière la main qui tient le pinceau, une bande brune fait la transition avec un plan clair – un mur ou une surface à peindre ? Le cadrage serré qui repousse le chevalet hors-champ joue avec cette ambiguïté.
Dans cette représentation de lui-même qu’il destine à une exposition rassemblant les autoportraits de toute la scène artistique suisse romande à Genève en mars 1929, Auberjonois affiche clairement son refus de toute compromission.