Bibliographie
Guy Cogeval, Isabelle Cahn, Marina Ducrey et Katia Poletti (dir.), Félix Vallotton. Le feu sous la glace, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, RMN – Grand Palais, 2013, n° 2.
Marina Ducrey, avec la collaboration de Katia Poletti, Félix Vallotton, 1865-1925 : l’œuvre peint, 3 vol., Lausanne, Fondation Félix Vallotton, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Milan, 5 Continents Editions, 2005, n° 19.
Catherine Lepdor, Félix Vallotton. La vie recomposée, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne 12, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, 2002, n° 1.
Arrivé à Paris à l’âge de seize ans, le Lausannois Vallotton fréquente les cours de l’Académie Julian. Très tôt, il cherche ses références dans l’objectivité incisive des grands représentants historiques du réalisme, au Nord chez Cranach l’Ancien, Dürer et Holbein, en France du côté de Poussin et Ingres. Probité et honnêteté sont ses maîtres mots, héritage de l’éthique protestante qui a marqué sa jeunesse, mais aussi programme pour les années à venir où il s’affirmera comme un critique virulent de l’oppression des petits et de l’hypocrisie de la bourgeoisie. Le portrait, genre qui l’occupe à ses débuts, lui offre l’occasion d’exercer ce refus de l’idéalisation par l’observation sans indulgence de ses modèles, qu’il s’agisse des membres de sa famille, ou de son propre reflet dans le miroir.
En 1885, Vallotton entre dans sa vingtième année. Il expose pour la première fois au Salon des artistes français et commence à tenir la liste de ses œuvres. « Il n’a pas été fait pour le public, mais pour moi, les artistes seuls peuvent y découvrir quelques qualités, mais les bourgeois ne le trouveront sans doute pas agréable, mais je m’en fous ! », écrit-il en 1886 à propos de cet autoportrait.
Vallotton en effet s’est représenté sans concession. Flottant dans une veste sombre et un col blanc empesé qui lui donne des allures de clergyman, il se montre le corps de profil, son pâle visage tourné vers le spectateur, les yeux cernés et bordés de rouge, les lèvres ombrées d’un modeste duvet. Tableau manifeste, l’œuvre ne déroule pas la panoplie attendue des attributs du peintre. Le message est ailleurs : dans le regard froid et calme qui scrute avec sévérité, et dans l’immense masse bleue en arrière-fond. Observée avec attention, celle-ci se révèle subtilement modulée de traits horizontaux : Vallotton s’est représenté devant le lac Léman, ce lac qu’il a contemplé si souvent enfant, et dont il s’est arraché pour monter à l’assaut de la capitale.