Bibliographie
Jörg Zutter et Catherine Lepdor (dir.), La collection du Dr Henri-Auguste Widmer au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, éd. Skira, 1998, n° 85.
François Maret, Émile Claus, Anvers, De Sikkel, 1949.
À Londres, le Blackfriars Bridge enjambe la Tamise à quelques centaines de mètres de l’actuelle Tate Modern. Claus a choisi une vue depuis Victoria Embankment en direction du Tower Bridge dont on distingue les deux tours auxquelles semble répondre, plus proches, trois cheminées d’usine aujourd’hui disparues. La toile carrée, format qu’affectionne l’artiste, est dominée dans sa moitié inférieure par la diagonale des stries froides; le fleuve est animé par le passage de quelques remorqueurs. Le ciel par contre est peint en touches rosées et plus chaudes, orientées vers le haut.
Ce tableau tardif du peintre belge témoigne de deux influences majeures dont il propose la synthèse. D’une part celle de Claude Monet et de sa série des Tamise réalisée entre 1900 et 1903. L’eau est peinte en effet «à la Monet», traduisant les effets d’un coup de vent à sa surface. Si l’artiste français s’intéressait dans ses tableaux londoniens aux ambiances sombres et aux effets de fumée et de brouillard, Claus est quant à lui plus solaire; il se montre fidèle à cette variante belge de l’impressionnisme appelée luminisme, dont il fut le chef de file en tant que l’un des fondateurs, en 1904, du cercle Vie et Lumière. L’autre influence est celle du néo-impressionnisme: le pont est figuré par touches de couleurs complémentaires juxtaposées, principe au cœur du divisionnisme.
Claus se réfugie pendant la Première Guerre mondiale à Londres, où il réalise une série de représentations de la Tamise en se concentrant sur les reflets de la lumière. En 1918, il rentre dans les Flandres, à Astene, où il possède une maison de campagne. En 1923, soit une année avant sa mort, le collectionneur vaudois Henri-Auguste Widmer lui achète ce tableau, légué en 1939 au Musée.