Bibliographie
Hans-Peter Wipplinger (dir.), Ferdinand Hodler. Wahlverwandtschaften vom Klimt bis Schiele, cat. exp. Vienne, Leopold Museum, Cologne, Verlag der Buchhandlung Walther König, 2017.
Oskar Bätschmann et Paul Müller (dir.) Ferdinand Hodler. Catalogue raisonné der Gemälde. Band 3 : Die Figurenbilder, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Zurich, Oehy, Scheidegger & Spiess, 2017, n° 1354.
Jura Brüschweiler, ‘Mysticisme et rôle du double dans le « Regard dans l’infini » de Ferdinand Hodler,’ in De Vallotton à Dubuffet: une collection en mouvement, acquisitions, dons, prêts, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne 5, 1996, 12-20.
À Vienne au début de l’année 1903, Hodler rencontre Gustav Klimt et de nombreux artistes et collectionneurs de la capitale austro-hongroise. Âgé de cinquante ans, le peintre suisse a acquis un renom international et on l’invite pour l’année suivante comme hôte d’honneur de la XIXe exposition de la Sécession viennoise. Il enverra trente et une œuvres à cette manifestation qui marquera un tournant dans sa carrière. Blick ins Unendliche (Regard dans l’infini), qui porte le numéro 28 du catalogue, est conçu dans cette perspective stimulante.
Le tableau montre au premier plan un jeune homme nu, dressé au sommet d’un promontoire rocheux. Cette figure verticale, dérivée de la représentation traditionnelle des stylites (ermites au sommet d’une colonne), vient briser le parallélisme du paysage, les strates horizontales d’une mer de nuages et d’un ciel stylisés. Les coloris sont harmonisés, bleu froid pour l’air en altitude et rose chaud pour le soleil levant nimbant le décor. La figure pour laquelle pose Hector, le fils de Hodler alors âgé de quinze ans, symbolise le regard surplombant et dominant de l’artiste. Ses mains posées sur la poitrine traduisent la force et l’intériorité d’une communion physique et mystique avec les forces cosmiques. Hodler imagine ici un véritable hymne à la beauté de la jeunesse, aussi éternelle, pure et vierge que la nature alpine.
Après son exposition à Vienne en 1904, le tableau, bien que tout aussitôt acheté par l’industriel et collectionneur d’art autrichien Carl Reininghaus, est réclamé par Hodler qui veut lui apporter « quelques retouches ». Il le retravaillera à Genève pour lui donner finalement son état actuel. L’œuvre marque un jalon important dans la représentation de l’imaginaire paradisiaque. À l’aube du XXe siècle, on assiste en effet à une reformulation du motif du jardin édénique, lequel, ici, se voit transposé en haute montagne, dans un lieu inaccessible à la civilisation moderne.