Bibliographie
Philippe Kaenel (dir.), Marius Borgeaud, cat. exp. Lausanne, Fondation de l’Hermitage, La Bibliothèque des Arts, 2015, n° 65.
Bernard Wyder, avec la collaboration de Jacques Dominique Rouiller, Marius Borgeaud. L’homme, l’œuvre, 1861-1924, La Bibliothèque des Arts, Lausanne, 1999, n° 78.
René Berger, Edith Carey, Jacques Monnier et alii, Marius Borgeaud: poète de la lumière et magicien de la couleur, Denges, Editions du Verseau, 1993.
Entre 1911 et 1912, Borgeaud consacre une série de tableaux à la petite pharmacie de son ami Ernest Houal à Rochefort-en-Terre. Il réside lui-même dans ce village breton de 1909 à 1919, chaque année du printemps à l’automne. Ici, deux clientes, une mère et sa fille, sont représentées assises dans l’officine. Elles attendent patiemment que le pharmacien prélève dans ses bocaux les poudres nécessaires à la préparation de leur remède. Le soleil qui entre par la vitrine projette des ombres et fait se détacher la blancheur des coiffes et du col de la chemise du pharmacien, amenant un peu de lumière dans un espace sombre et à l’atmosphère confinée.
Un autre ami et collectionneur de Borgeaud, le docteur Victor Doiteau, publie en 1923 dans la revue Æsculape un article sur le peintre où on lit l’anecdote suivante: «Un missionnaire qui, au cœur de l’Afrique sauvage, évangélisait les noirs, avait rapporté de là-bas au pharmacien, son parent, [de] pacifiques animaux empaillés ainsi que des armes nègres. Celui-ci, trouvant ces curiosités quelque peu encombrantes les avait montées dans son grenier […]. C’est là que Borgeaud les découvrit. Il comprit tout de suite l’admirable parti qu’on pouvait tirer de cette faune et de ces armes; il proposa à son ami d’en décorer la pharmacie.» On repère en effet dans notre tableau un serpent naturalisé suspendu au-dessus des étagères.
À propos des images aux murs de la pharmacie, Doiteau nous apprend qu’il s’agit de publicités pour une poudre «sans rivale pour l’engrais des porcs et des veaux». Cette irruption de la modernité dans une scène de la vie quotidienne en Bretagne l’ancre dans l’actualité, et rompt avec la tradition des clichés folkloriques qui font florès depuis l’époque romantique.