Bibliographie
Line Clausen Pedersen (dir.), Degas’ Method, cat. exp. Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek, 2013, p. 192-195.
Martin Schwander, Edgar Degas : the Late Work, cat. exp. Riehen, Fondation Beyeler, 2012, p. 60. Jill DeVonyar et Richard Kendall, Degas and the Ballet : Picturing Movement, cat. exp. Londres, Royal Academy of Arts, 2011, p. 171.
Les ballerines à l’exercice, au repos ou sur scène sont un motif majeur de l’œuvre de Degas dès le début des années 1870 et jusqu’à sa mort. L’artiste se rend régulièrement à l’Opéra de Paris pour les étudier, et il est admis plus tard dans les coulisses du Ballet. Mais c’est à l’atelier, à l’abri des regards, qu’il va pousser plus loin ses observations, faisant danser ses modèles, mimant la danse lui-même, et analysant les mystères du mouvement sur les photographies d’Eadweard Muybridge (Animal Locomotion, 1884-1886) et sur celles qu’il réalise lui-même avec son Eastman-Kodak.
Si la danse lui inspire nombre de dessins et de pastels, Degas l’affirme avec force en 1897 : « La vérité vous ne l’obtiendrez qu’à l’aide du modelage, parce qu’il exerce sur l’artiste une contrainte qui le force à ne rien négliger de ce qui compte. » À la mort de l’artiste, on trouva dans son atelier cent-cinquante sculptures en cire ou en terre, dont de nombreuses danseuses aux attitudes variées. Coulées plus tard en bronze, toutes témoignent de sa quête inlassable de la traduction en trois dimensions du corps en mouvement. Parmi celles-ci, cette Danseuse s’avançant, où la ballerine demeure aérienne, tout le poids de son corps ne reposant que sur une pointe.
Degas n’a exposé qu’une seule sculpture de son vivant, la Petite danseuse de 14 ans, à la sixième exposition impressionniste de 1881. Il éprouva alors le besoin d’en colorer la cire, de la coiffer de vrais cheveux noués d’un ruban de satin rose, de la revêtir de chaussons et d’un tutu en tulle ; puis, pour affirmer son statut d’œuvre d’art à part entière, il l’installa dans une cage en verre. Le réalisme de la sculpture n’en fit pas moins scandale. On la jugea simiesque. Nues, les danseuses de Degas ne pouvaient que choquer la morale bourgeoise fin-de-siècle, car elles sont femmes complètes, faites à la fois de nature (corps animal) et de culture (corps chorégraphié).