Günter Brus
Der Stillschweigbefehl, 1988

  • Günter Brus (Ardning, 1938 - Graz, 2024)
  • Der Stillschweigbefehl, 1988
  • Pastel et crayon de couleur sur papier beige, 99 x 70 cm
  • Acquisition, 1988
  • Inv. 1988-016
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Dans les années 1960, Brus, tout juste sorti de l’Académie des Beaux-Arts, rejoint l’actionnisme viennois, un des mouvements artistiques les plus contestataires et les plus radicaux de la seconde moitié du XXe siècle. Comme ses camarades Otto Muehl, Hermann Nitsch, ou encore Rudolf Schwarzkogler, il entend ébranler le bastion de l’art informel et replacer la confrontation avec la réalité au centre de la mission artistique. Le corps est le matériau premier de performances qui voient les actionnistes se mutiler, se couvrir d’excréments et de sang, ou encore consommer leur urine sur la place publique. Ce recours systématique à la provocation renoue avec les postures transgressives des expressionnistes autrichiens Egon Schiele ou Oskar Kokoschka : elle est pour eux le moyen d’expurger les pulsions refoulées et de stigmatiser les tabous de la société post-nazie, petite-bourgeoise et  conservatrice.

Lors d’une de ses premières performances (Wiener Spaziergang, 1965), Brus déambule à travers Vienne vêtu de blanc, la tête et les mains peintes elles aussi en blanc, le corps « fendu » en deux par une ligne noire. Il sera arrêté par la police. Après plusieurs condamnations et une répression toujours plus sévère à l’égard des actionnistes, il est contraint de s’exiler à Berlin. Il met un terme à ses performances au début des années 1970.

Ultérieurement, la censure sera régulièrement dénoncée par l’artiste. Sur cette feuille intitulée « l’ordre de garder le silence », à l’atmosphère électrique, une main s’abat brutalement sur le visage d’un homme recroquevillé sur lui-même. Lourde comme une chape de plomb, sombre comme une nuit sans fin, cette main démesurée évoque la violence des affiches de propagande. Ici, c’est bien l’œil qui est visé, cet organe essentiel des plasticiens. Aveuglé, l’artiste est empêché d’observer la réalité, et donc sommé de se taire.

Exposé actuellement

La collection

Bibliographie

Danièle Roussel, L’Actionnisme viennois et les autrichiens, Dijon, Les presses du réel, 2008, p. 22-29.

Julie Enckell, « Der Stillschweigbefehl, 1988 », in Dominique Radrizzani (dir.), L’attrait du trait: dessins anciens et modernes de la collection, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne n° 11, 2001, n° 67.

Erika Billeter (dir.), Chefs-d’œuvre du Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne. Regards sur 150 tableaux, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 1989, p. 344-345.