Bibliographie
Antonia Hoerschelmann (éd.), Anselm Kiefer. The Woodcuts, cat. exp. Vienne, Albertina, Ostfildern, Hatje Cantz, 2016, cat. 29.
Jean-Michel Bouhours (éd.), Anselm Kiefer, cat. exp. Paris, Centre Pompidou, Éditions du Centre Pompidou, 2015.
Dominique Baqué, Anselm Kiefer : entre mythe et concept, Paris, Éditions du Regard, 2015.
Cette œuvre monumentale fait partie d’un ensemble sur le thème du Rhin, fleuve près duquel Kiefer a grandi, à la fois symbole culturel et frontière. Elle se réfère en particulier au mythe nordique des Filles du Rhin qui sont chargées par le Fleuve, leur père, de protéger l’or caché dans son lit. Tout l’œuvre de Kiefer revisite la mémoire et l’histoire de l’Allemagne, son pays d’origine, profondément bouleversé par la Seconde Guerre mondiale. L’artiste se réfère ici à la Chanson des Nibelungen. Composé au début du XIIIe siècle, ce poème épique est redécouvert au XIXe et devient la légende fondatrice d’une nation ; il inspirera Richard Wagner pour la tétralogie du Ring (1849-1876).
La composition de Kiefer est le fruit d’un travail de plus de vingt ans, dont les traces matérielles sont apparentes et attestent la confection artisanale. Il s’agit d’un collage de plusieurs fragments de xylographies en noir, repris à l’acrylique. L’espace de son format oblong accueille les corps massifs des trois ondines. Leur présence au premier plan nous repousse loin de l’image. Wellgunde, Woglinde et Flosshilde, qui tient une bougie dans les mains, flottent à la surface de l’eau comme des rondins emportés par le courant, engourdies et offertes. Leurs jambes écartées et leur nudité n’incitent pas à la lascivité. L’œuvre porte en effet la lettre « Die Reintöchter », « rein » signifiant « pur ». Peut-être Kiefer les envisage-t-il vierges de toute instrumentalisation politique, ou encore évoque-t-il leur innocence face au danger ?
Kiefer réalise ses premières xylographies en 1974. Dès les années 1980, il traite le thème du Rhin dans cette technique qui lui paraît opposée à la nature même du fleuve. La résistance du bois se distingue de la fluidité de l’eau et le dualisme chromatique ne peut traduire ses nuances. L’artiste cherche par cette radicalité à recouvrer l’intégrité de cette nature.