Bibliographie
Jacques Longchamp, Marc Louis Benjamin Vautier (dit l’Ancien). Une monographie, Genève, Slatkine, 2015, n° 205.
Catherine Lepdor et Elizabeth Fischer (dir.), Modes et tableaux : œuvres de la collection et costumes de 1700 aux années folles, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne n° 10, 2000.
En 1898, le peintre suisse Vautier meurt à Düsseldorf où il a effectué l’essentiel de sa carrière. Il est célébré par la presse comme l’un des maîtres de la peinture de genre allemande, aux côtés de Franz Defregger et de Ludwig Knaus. Un mouvement de panique s’empare alors du canton de Vaud, son musée ne conservant qu’une seule toile de cet illustre compatriote. Le gouvernement fait envoyer une couronne funéraire qui sera déposée à côté de celle offerte par l’empereur Guillaume II. Émile Bonjour, le conservateur du musée de Lausanne, se rend en toute hâte à l’exposition-vente du fonds de l’atelier. Le budget accordé est modeste : il ne rapporte que trois études peintes et onze dessins préparatoires.
Cette feuille fait partie du lot d’études au fusain très poussées acquis à cette occasion. Leur intérêt tient à la maîtrise technique dont elles font la démonstration, en particulier dans l’utilisation de l’estompe et du rehaut, mais aussi à la place importante qu’elles occupent dans la méthode documentaire de Vautier l’Aîné. Contemporain de la naissance de l’ethnographie, l’artiste ancre toutes les étapes de la réalisation d’un tableau dans l’observation scrupuleuse de la réalité. Lors de ses voyages d’études dans l’Oberland bernois, la Forêt-Noire et jusqu’en Alsace, l’artiste croque les scènes les plus emblématiques de la vie villageoise. Il acquiert aussi des objets du quotidien et, surtout, il se constitue une riche collection de costumes traditionnels. Puis, de retour à Düsseldorf, il engage des modèles et leur fait revêtir ces vêtements pour les faire poser un à un dans les attitudes et l’éclairage requis par sa composition. On voit ici la méticulosité avec laquelle Vautier mène l’étude des tissus, des ombres et des lumières, de l’expression émue et du geste de bienvenue d’une paysanne accueillant sa belle-fille, sujet du Retour des jeunes mariés (1881, Milwaukee Art Museum). Les mains qui se referment sur une figure à peine esquissée, celle de la bru, confèrent un charme mystérieux à cette page talentueuse.