Bibliographie
Guy Cogeval, Isabelle Cahn, Marina Ducrey et Katia Poletti (dir.), Félix Vallotton. Le feu sous la glace, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, RMN – Grand Palais, 2013, n° 55.
Marina Ducrey, avec la collaboration de Katia Poletti, Félix Vallotton, 1865-1925 : l’œuvre peint, 3 vol., Lausanne, Fondation Félix Vallotton, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Milan, 5 Continents Editions, 2005, n° 251.
Sasha M. Newman (dir.), Félix Vallotton, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Paris, Flammarion, 1992.
Vallotton obtient la reconnaissance dans les années 1890 grâce à ses gravures sur bois, en particulier avec la série des Intimités, dix scènes de la vie du couple moderne. Pour une exposition commune avec le groupe des Nabis en 1899 à la galerie Durand-Ruel, le Suisse propose une nouvelle série d’« Intimités », mais en peinture cette fois-ci. Chromatisme virulent, découpage des formes clinique, sujets étrangement inquiétants : ces six Intérieurs avec figures sont la quintessence de son art au tournant du siècle.
La chambre rouge est l’œuvre initiale de la série. Elle en donne la clef. Le titre est descriptif, mais il pourrait se référer au roman homonyme d’August Strindberg (1879), attaque mordante contre l’hypocrisie de la vie bourgeoise. Car Vallotton (qui s’apprête à convoler !) stigmatise ici l’adultère, l’envers de l’institution sacro-sainte du mariage.
Le tableau est un gros plan sur un décor de théâtre dont la couleur vermillon symbolise la violence du désir masculin. À l’ombre d’une embrasure, un homme cherche à forcer une femme éplorée. Chaque objet se fait indice du crime, à commencer par les rideaux qui dessinent un sexe féminin entrouvert. Sur la table, des gants entremêlés d’un mouchoir qui aura séché des larmes, une bourse impliquant quelque transaction financière, une ombrelle désignant un coupable. Sur la cheminée, un curieux retable : un buste de Vallotton entre des estampes japonaises et des lampes modernes, flanqué de pimpants bouquets jaunes. Derrière celui-ci, « dans son dos », un miroir protégé par des rideaux rouges et reflétant – sans l’inverser – une œuvre d’Édouard Vuillard. Et quelle œuvre ! Le Grand intérieur aux six personnages (1897, Zurich, Kunsthaus), mise en accusation devant le cercle familial du couple adultérin formé par le peintre Ker-Xavier Roussel et l’épouse de l’artiste Paul Ranson. À gauche enfin, une bibliothèque, allusion ironique à la littérature censée, comme la peinture, élever l’homme au-dessus de l’animal.