Bibliographie
Guy Cogeval, Isabelle Cahn, Marina Ducrey et Katia Poletti, Félix Vallotton. Le feu sous la glace, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, RMN – Grand Palais, 2013, n° 147.
Marina Ducrey, avec la collaboration de Katia Poletti, Félix Vallotton, 1865-1925: l’œuvre peint, 3 vol., Lausanne, Fondation Félix Vallotton, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Milan, 5 Continents Editions, 2005, n° 623.
Au sortir de sa période nabie, Vallotton agrandit ses formats. Il imagine une série de toiles vouées aux baigneuses, aux sujets allégoriques et aux scènes mythologiques. Le retour au volume ne se fait pas au détriment du primat de la ligne, réaffirmé dans le découpage des formes agencées sur des plages colorées. Ici, les deux figures apparaissent isolées sur un fond neutre de ciel bleu-gris, à la faveur d’un cadrage à mi-corps qui suggère le hors champ.
La toile a été précédée d’études sur le vif d’après une jeune femme (dont une conservée dans la collection du Musée) et d’après un certain Gerardo Tronia. Couronné de pampres, l’ivrogne à la trogne rubiconde s’accroche au chignon de la jeune femme qu’il échevelle et zieute lubriquement. Autour du vide ménagé entre les silhouettes, le peintre organise la cascade des bourrelets de graisse de ce vieillard lascif issu de la mythologie, à laquelle répond celle des seins et du ventre rebondi d’une midinette 1900.
Pour son sujet, le peintre s’inspire du groupe central d’une Bacchanale de l’atelier de Rubens où l’on voit un satyre soutenant un Silène éméché (vers 1620, Londres, National Gallery). Il se souvient peut-être aussi de Giambattista Tiepolo dont le Pluton enlevant Proserpine au Palazzo Labia à Venise (1747-1750), et plus encore le Dieu du fleuve Main lutiné par une nymphe au plafond de la résidence de Würzburg (1752-1753) présentent des analogies.
Vallotton a-t-il pensé que ses agents (et beaux-frères), les directeurs de la Galerie Bernheim-Jeune, accepteraient que cette œuvre d’un érotisme saisissant soit présentée publiquement ? La censure semble avoir été immédiate puisque la peinture disparaît de la liste des tableaux destinés par l’artiste à une exposition au Kaiser Wilhelm-Museum de Krefeld en 1907.