François Bocion
Filets et pêcheurs, vers 1877

Bocion représente ici une scène du quotidien des pêcheurs, thématique récurrente dans son œuvre dès les années 1860. Allongé sur la jetée au retour d’une sortie sur le lac, un jeune pêcheur s’est endormi dans la chaleur d’une belle journée estivale. À l’arrière-plan, deux autres pêcheurs sont occupés à l’entretien des filets. Comme on le voit ici, au XIXème siècle ceux-ci  sont encore fabriqués en fibres naturelles et étendus sur des perches en plein air pour sécher ; on repère ainsi les déchirures à réparer, occupation à laquelle s’adonne l’homme assis au plan moyen qui tient une navette ou aiguille à ramender dans la main.

Si nombreux sont les peintres naturalistes qui à la même époque, de Jules Breton en Bretagne à Peder Severin Krøyer au Danemark, livrent un témoignage sur le quotidien des pêcheurs des lacs et des mers, Bocion se distingue de ses confrères régionalistes par une approche de sensibilité impressionniste, se préoccupant plus de la saisie d’une atmosphère que de la caractérisation d’un labeur. Le cadrage serré met en valeur la jetée ombragée : les filets semi-transparents masquent la profondeur du lac, la chaîne des montagnes et une partie du ciel alors que les grands arbres fermant la composition à droite et au bord supérieur contribuent à ramener l’attention vers la grève, mouchetée par quelques rayons de soleil qui ont transpercé les feuillages.

Trois variantes de ce motif, conservées au Musée d’art et d’histoire de Genève, au Kunst Museum Winterthur/Reinhart am Stadtgarten et au Musée Jenisch de Vevey, permettent de dater la scène et de la situer sur les rives françaises du lac Léman, probablement dans la région de Tourronde où Bocion se rendait régulièrement.