Bibliographie
Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser (dir.), Denis Savary, cat. exp. Paris, Centre culturel suisse, 2016.
Clément Dirié (dir.), Denis Savary, cat. exp. Marne-la-Vallée, Centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson, Zurich, JRP Ringier, 2013.
Dès le début des années 2000, Savary développe une œuvre qui se caractérise par une hybridation de références qu’il puise dans son quotidien immédiat, dans l’histoire de l’art et dans la culture populaire. Ses sculptures renvoient ainsi, par leur forme et leur matérialité, à des bribes d’histoires jamais achevées, « comme s’il était dans leur nature d’échapper aux définitions », ainsi que l’explique l’artiste dans un entretien en 2013.
Avec Franz, Savary revisite l’univers du conte. Immense et d’une blancheur laiteuse, cette sculpture en résine représente une grenouille gisant sur son dos, comme morte, cuisses ouvertes et pattes avant repliées sur sa panse, dans une pose anthropomorphe qui emprunte ses codes à la bande dessinée. Sur son ventre fleurit une constellation de pétales dorés, comme si le batracien avait défailli après avoir englouti un butin, dans un excès de luxe et d’abondance. Cette sculpture peut également se lire en référence au conte des frères Grimm intitulé Le Roi Grenouille (1812) : la grenouille repentante de l’histoire – qui attend le baiser d’une princesse pour se transformer en prince charmant – aurait laissé place à un animal luxurieux et avare, sans espoir de rédemption. Suivant ce même processus d’inversion du récit, Savary a appliqué la technique de la dorure depuis l’intérieur de la coque en résine, ainsi qu’à sa surface. En 2021, réutilisant le même moule et la même technique, Savary a décliné cette sculpture en résine bleu-nuit réhaussée de pétales à la feuille de cuivre (Franz II), initiant une nouvelle série d’œuvres.
Quant au titre, Franz, il rend hommage à tous les Franz qui ont marqué le parcours de Savary : l’écrivain Franz Kafka, l’artiste symboliste Franz von Stuck, le peintre Franz Mark ou encore l’artiste Franz West. À ces références s’ajoute celle du plasticien Martin Kippenberger qui, au début des années 1990, produit une série de sculptures controversées représentant des grenouilles crucifiées, pensées comme autant d’autoportraits. Ainsi la grenouille, du biotope au conte, de la sculpture contemporaine à la fable dystopique, poursuit ici son chemin dans le vaste imaginaire partagé du récit.