Bibliographie
Antonia Hoerschelmann (éd.), Oskar Kokoschka. Exil und neue Heimat 1934-1980, cat. exp. Vienne, Albertina, Ostfildern, Hatje Cantz, 2008.
Andreas Meier (éd.), Kokoschka : Beziehungen zur Schweiz, cat. exp. Pfäffikon, Seedamm Kulturzentrum – Stiftung Charles und Agnes Vögele, Berne, Benteli, 2005.
Oskar Kokoschka, Ma vie, trad. de l’allemand par Michel-François Demet, Paris, Presses universitaires de France, 1986.
Le lac Léman fascine Kokoschka depuis qu’il le découvre à l’âge de vingt-quatre ans, lorsqu’il accompagne Adolf Loos en Suisse, où l’architecte viennois rend visite à son amie la danseuse Bessie Bruce en convalescence aux Avants, au-dessus de Montreux. Kokoschka peint alors Les Dents du Midi ainsi que plusieurs portraits, notamment celui d’Auguste Forel à Yvorne. Lors de son deuxième voyage en Suisse, en 1923, il réalise pour la première fois deux vues du Léman depuis Blonay. La vue du lac le marque au point qu’il décidera en 1951 d’acquérir une propriété sur les hauteurs de Villeneuve et de s’y installer deux ans plus tard. Il mourra à l’âge de nonante-quatre ans à Montreux et aura donc passé vingt-sept ans – presque un tiers de sa vie – en pays vaudois.
Dans les années 1955-1957, Kokoschka réalise pour la dernière fois des grandes vues du Léman depuis Glion et Villeneuve, dont celle-ci. L’incroyable profondeur de champ s’explique par le recours à un schéma de composition elliptique avec deux points de vue. Kokoschka préfère en effet la vue bifocale à la perspective cavalière, selon lui très réductrice, car « l’homme a deux yeux ». L’arbre qui cache le sommet de la montagne sert de repoussoir. Nos yeux embrassent l’étendue du paysage comme si la vision périphérique, devenue nette, y avait été incorporée. Il semble que l’œil pourrait contourner l’arbre pour découvrir ce qui se trouve derrière. Ce paysage somptueux et tourmenté doit beaucoup à Pierre Paul Rubens, pour qui un drame se joue dans chaque paysage. Kokoschka capte le paysage dans ses derniers instants d’inviolabilité. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas l’idylle, mais la nature à l’état sauvage, indomptée, appelée à disparaître dans les années 1960. Glion, vue sur le lac Léman est un sombre pressentiment des défigurations que subira le paysage lémanique.