Bibliographie
Jörg Zutter (dir.), René Auberjonois, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Genève, Skira, 1994, p. 18.
Hugo Wagner, René Auberjonois. L’œuvre peint – Das gemalte Werk. Catalogue des huiles, pastels et peintures sous verre, Zurich, Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, Denges-Lausanne, Éditions du Verseau, 1987, n° 291.
Dans La Gazette de Lausanne du 30 septembre 1923, Gustave Roud fait l’éloge d’Auberjonois, ce maître de la « peinture pure » encore trop peu connu de ses compatriotes : « La Suisse romande reste silencieuse. On chercherait en vain ne fusse qu’un dessin au Musée de sa ville natale. » Le poète se trompe, puisque ce Grand nu couché entre cette même année dans la collection lausannoise.
« Un peu musée », « femme au divan turc », c’est en ces termes qu’Auberjonois qualifie sa toile, un détournement de deux icônes du nu allongé : la Vénus à son miroir de Diego Vélasquez (1647-1651, Londres, National Gallery), et La Grande Odalisque d’Ingres (1814, Paris, Musée du Louvre). Du peintre baroque espagnol, il a retenu la position du modèle. Du maître néo-classique français, la ligne qui enserre et découpe, et la palette lumineuse, vive dans la couverture bleu-blanc-rouge, tendre dans les ocres de la carnation. Ici cependant la femme ne contemple pas son reflet. Pas plus qu’elle ne fixe le spectateur. Elle fixe le mur et lui tourne le dos. Auberjonois est tout entier dans cette relecture ironique des classiques (jusqu’à la présence du chien, symbole de fidélité), et dans ce refus de tout épisode anecdotique qui ferait penser qu’un tableau existe autrement que par ses qualités formelles et coloristiques.
Le corps charpenté et les mains épaisses de ce Grand nu couché sont apparus dans l’œuvre du Vaudois dès sa Femme dans la loge de 1921 (Zurich, Kunsthaus). Ces formes sculpturales sont communes à de nombreux artistes revenus au classicisme au sortir de la Grande Guerre, de Picasso qu’Auberjonois admire et qui a peint l’année précédente ses Trois femmes à la fontaine (1921, New York, The Museum of Modern Art), aux Suisses romands Théophile Robert et Félix Vallotton.