Marius Borgeaud
Intérieur aux deux verres, 1923

  • Marius Borgeaud (Lausanne, 1861 - Paris, 1924)
  • Intérieur aux deux verres, 1923
  • Huile sur toile, 97 x 130 cm
  • Don de l'Association des Amis du Musée, 1983
  • Inv. 1983-023
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Chez Borgeaud, les intérieurs sont baignés d’une lumière qui réchauffe et semble suspendre le temps. Les objets sont immédiatement identifiables et bien présents, et ce n’est que dans un second temps que l’on remarque leur simplicité : des surfaces, des lignes, des accords sans autre détail que l’ombre qui leur confère un peu de volume. Rien n’est dissimulé, pourtant tout un ballet d’ombres se met en place. Si on comprend immédiatement que l’éclairage de cet Intérieur aux deux verres provient de la fenêtre, la cohérence d’une unique source lumineuse n’est pas respectée strictement. Le peintre dispose les ombres projetées des pieds de la table et des chaises, des verres et du vase comme des aiguilles sur un cadran.

Ce tableau a été réalisé en 1923, durant l’avant-dernier été passé par Borgeaud à Audierne, dans le Finistère. Le peintre loge avec sa future femme au 7, rue Condorcet, dans une maison de pêcheurs surplombant la baie. La vision grand-angulaire donne une impression surdimensionnée de la pièce en réalité modeste. La fenêtre s’ouvre sur un horizon marin qu’on retrouve dans quelques tableaux de la fin de sa vie. La mer n’a pas souvent été un motif pour Borgeaud. Sa Bretagne est un pays de l’intérieur des terres. L’exception ici renforce le contraste et la richesse du dialogue entre le dedans et le dehors.

Autre élément caractéristique des œuvres tardives: le «vide habité» de la pièce. Les hôtes des lieux ne sont pas loin. Sur la table, deux verres vides en témoignent. Malicieusement, la bouteille qui les a remplis est cachée derrière un bouquet. Le maître reviendra-t-il pour prendre le chapeau oublié ? On ne le saura pas. Il semble que cet intervalle pourrait durer l’éternité, insufflant par cette interrogation, par ce suspens, une vie supplémentaire au tableau.

Bibliographie

Philippe Kaenel (dir.), Marius Borgeaud, cat. exp. Lausanne, Fondation de l’Hermitage, Lausanne, La Bibliothèque des Arts, 2015, n° 112.

Bernard Wyder, avec la collaboration de Jacques Dominique Rouiller, Marius Borgeaud. L’homme, l’œuvre, 1861-1924, La Bibliothèque des Arts, Lausanne, 1999, n° 286.

René Berger, Edith Carey, Jacques Monnier et alii, Marius Borgeaud: poète de la lumière et magicien de la couleur, Denges, Éditions du Verseau, 1993.