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La collectionBibliographie
Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Hazan, 2016, n° 96.
Bernard Vouilloux, « Une bacchanale méditative », in Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, p. 151-158.
William Hauptman, Charles Gleyre : la Danse des Bacchantes, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne n° 1, 1995.
Exclusivement féminine, la bacchanale se déroule sous le regard impénétrable d’une prêtresse hiératique, gardienne de l’autel supportant l’étonnante statue d’un Bacchus écarlate. Alors que la Bacchanale du Titien (1523-1526, Madrid, Museo del Prado), de laquelle Gleyre tire sa figure d’une bacchante épuisée par le cérémonial dionysiaque, déborde de vie, ici un souffle glacial pétrifie les chairs. Chez le maître suisse, pas d’érotisme débridé mais des corps partiellement dénudés qui donnent à la scène une note délicatement sensuelle ; pas de sauvagerie effrénée mais un rituel sévère. Gleyre renouvelle l’iconographie en faisant de la bacchanale un moment cultuel et mystique. Une Antiquité méditative, pas assez rêveuse cependant pour ne pas s’attacher aux moindres détails archéologiques, revus à l’aune des recherches contemporaines, notamment sur la polychromie de la sculpture.
Devant la masse rocheuse d’une montagne laissant apparaître deux morceaux de ciel, l’un menaçant, l’autre serein, l’artiste déroule sa composition en un savant bas-relief. Le centre est occupé par le groupe serré de six danseuses. À gauche, deux bacchantes sont sorties du cercle, anéanties déjà par l’ivresse, l’une soutenue par une servante. À droite, trois musiciennes rythment la danse au son du tambourin, de l’aulos et des crotales. La composition s’inscrit dans une ellipse cadencée par les verticales accusées d’une colonne, d’une hampe d’encensoir, d’un thyrse brandi et des bras tendus de la musicienne perchée sur un rocher. Le passage d’une figure à l’autre se fait avec fluidité par l’entrelacement des mains que relient des rubans. Tout à droite, une nature morte avec vase, corbeille de raisins, coupe d’or, rhyton et tissu rouge fait pendant à la bacchante gisant au sol.
Acquis par François d’Assise de Bourbon, roi consort d’Espagne, ce tableau est montré au Salon à Paris en 1849. Opposé au régime de Napoléon III, Gleyre renoncera par la suite à participer à l’incontournable exposition annuelle.