François Bocion
Lac et pêcheurs, 1885

Attaché au lac Léman dont il s’éloigne rarement, Bocion en explore les rives du côté suisse, mais aussi du côté français. De nombreuses œuvres réalisées à Yvoire, Évian ou encore Meillerie témoignent de séances de travail régulières en Haute-Savoie.

Daté de 1885, Lac et pêcheurs est exécuté à l’époque où Bocion se détache peu à peu de la représentation des travailleurs du lac et des loisirs des plaisanciers pour se consacrer au paysage lui-même. Cette plage serait celle de Tourronde, petit port de pêche non loin d’Évian. Les montagnes en arrière-plan, dont quelques sommets émergent de la brume et des nuages, mais aussi des documents d’archives semblent le confirmer.

Le format allongé de la toile et le cadrage choisi permettent d’embrasser une vue largement ouverte et orientée vers le lac et le ciel, l’artiste ayant pris soin de tourner le dos au village de Tourronde et au château de Blonay. Certes, les barques, les pêcheurs et les filets mis à sécher animent encore le paysage et lui confèrent un caractère pittoresque, mais l’attention du peintre se concentre sur cette journée ensoleillée, sur la lumière douce et diffuse propre à l’atmosphère lacustre, qui bannit les contrastes violents et les ombres dures. Les reflets sur l’eau sont travaillés par des coups de pinceau horizontaux et nuancés, qui laissent entrevoir par endroits le dessin préparatoire au crayon et la toile elle-même. Sur la grève, la touche se fait plus rapide et la matière plus empâtée, contrastant avec le traitement en finesse des montagnes, des nuages et du ciel.

Le regard sur la nature, la fraîcheur et l’harmonie des coloris, le traitement de la lumière, de même que la liberté de la touche évoquent Camille Corot dont Bocion fut sa vie durant un grand admirateur.