Bibliographie
Hartwig Fischer (dir.), Louis Soutter (1871-1942), cat. exp. Bâle, Kunstmuseum Basel, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne, Collection de l’art brut, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz Verlag, 2002.
Michel Thévoz, Louis Soutter. Catalogue de l’œuvre, Lausanne, L’Âge d’Homme, Zurich/Lausanne, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1976, no 2336.
Michel Thévoz, Louis Soutter ou l’écriture du désir, Lausanne, L’Âge d’Homme, Zurich/Lausanne, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1974.
Après une formation aux beaux-arts à Genève et à Paris, Soutter s’embarque pour New York dans l’idée d’ouvrir un atelier d’art et de décoration. Il s’établit finalement à Colorado Springs où il épouse l’Américaine Madge Fursman. La vie semble sourire au jeune homme, bientôt nommé directeur du département des beaux-arts du Colorado College. Cependant, dès 1902, les premiers signes d’une dépression se manifestent. En janvier 1903, son épouse demande le divorce, arguant de mauvais traitements. En février, Soutter rentre définitivement en Suisse. Une chute lente commence alors. Rupture avec sa famille, isolement progressif, surendettement… : en 1923, Soutter est placé contre son gré à l’asile de vieillards de Ballaigues, dans le Jura vaudois.
Le souvenir du traumatisme des années américaines a-t-il été ravivé en 1933 par la rencontre de Soutter avec la collectionneuse américaine Marguerite Tjader Harris qui fera connaître ses dessins à New York ? Ou par l’initiative de Le Corbusier, son cousin éloigné, qui organise en 1936, au Wadsworth Atheneum Museum of Art de Hartford, la première exposition outre-Atlantique de l’artiste ? Quoiqu’il en soit, Soutter n’a pas revu Madge depuis une trentaine d’année lorsqu’il dessine ce portrait, une des rares feuilles de sa période dite maniériste à avoir été exécutée en couleur. Au fil des ans, la jeune fille dont il s’était épris en 1894, alors qu’ils étaient tous deux élèves du célèbre violoniste Eugène Ysaÿe à Bruxelles, s’est transformée en l’image monstrueuse d’une épouse intéressée, autoritaire, castratrice. Elle ne lui aurait jamais pardonné, dira-t-il, de ne pas avoir eu la force de lui faire un enfant : « Ma femme avait de si belles dents ! Chaque fois qu’elle riait, c’était pour moi une offense. »