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La collectionBibliographie
Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Hazan, 2016, p. 137-138, n° 101.
Guy Ducrey, « Intimité pompéienne », in Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, p. 223-227.
William Hauptman, Charles Gleyre 1806-1874. I Life and Works. II Catalogue raisonné, Princeton/N.J., Princeton University Press, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996, n° 908.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, des peintres trouvent dans la représentation de la vie quotidienne à l’époque gréco-romaine une voie de réconciliation entre les héritages néo-classique et romantique. Les Néo-Grecs, des jeunes gens passés comme Jean-Léon Gérôme ou Jean-Louis Hamon par l’atelier de Gleyre, se détournent des hauts faits héroïques au profit de scènes sentimentales et anecdotiques, traitées dans des grands formats. L’imaginaire de cette nouvelle génération est nourri par les fouilles menées à Pompéi et en Grèce, où l’exhumation d’objets modestes fournit les accessoires nécessaires à une évocation plus intimiste du passé.
Avec cette jeune femme occupée à remplir une lampe à huile au moment de la toilette du soir, Gleyre participe à cette vogue. Pygmalion moderne, il donne vie à un marbre antique, une Vénus callipyge qu’il a copiée à Naples en 1834, et l’installe dans une chambre peinte des rouges et des noirs qu’il a pu observer à Pompéi. Autour du corps dévêtu s’accumule toute une panoplie « antique » lui faisant un écrin : flacon en verre, corbeille à parchemins, lyre et tambourin, descente de lit en peau de léopard. Un lion ornant une chaise en bois sculpté qui s’apprête à croquer le mollet de la belle est l’occasion d’une allusion caustique au voyeurisme des bourgeois qui se rincent l’œil devant les nus des salons de peinture.
Si Gleyre explore lui aussi une Antiquité plus familière, on ne saurait lui attribuer le titre donné à cette toile après sa mort. En croyant reconnaître ici un Coucher de Sapho, ses contemporains ne font que témoigner du nouvel intérêt porté à la muse de Mytilène, chantée par Charles Baudelaire (Lesbos, 1857) et Paul Verlaine (Sappho, 1867). Un anachronisme aussi patent et consistant à planter une poétesse qui vécut en Grèce au VIIe siècle av. J.-C. dans un décor inspiré par Pompéi, ville de Campanie détruite par une éruption du Vésuve en août 79, ne saurait avoir été commis par un artiste aussi féru d’archéologie !