Jean Dubuffet
Le précepteur, 1972

  • Jean Dubuffet (Le Havre, 1901 - Paris, 1985)
  • Le précepteur, 1972
  • Acrylique sur Klégécell, 178 x 100 x 3 cm
  • Donation de Mireille et James Lévy, issue de leur collection d’art Jean Dubuffet, 2019
  • Inv. 2019-031
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Entre 1962 et 1974, Dubuffet est occupé au grand cycle de L’Hourloupe. Il expliquera que ce terme est né de la rencontre sémantique et sonore de mots comme « hurler », « hululer », « loup », mais aussi du titre de la nouvelle Le Horla (1886/1887) de Guy de Maupassant. L’artiste l’emploie d’abord pour désigner une plaquette, dans laquelle sont reproduits des dessins réalisés avec des stylos à bille rouge et bleu au cours d’une conversation téléphonique. Ces dessins renferment son nouveau vocabulaire : une ligne souple, entraînée par le mouvement spontané de la main, le foisonnement de cellules, la saturation et les rayures.

Dès 1966, après avoir appliqué ce langage visuel à des dessins et des peintures, Dubuffet développe L’Hourloupe dans la troisième dimension, de la sculpture à l’architecture, tout en demeurant toujours dans le plan bidimensionnel. Les dessins du livre originel consistaient d’ailleurs en des figures découpées et montées sur un fond noir, qui annonçaient ainsi les sculptures en Klégécell (polystyrène expansé) dont Le précepteur fait partie.

Pour Dubuffet, tout sujet est digne d’être représenté, et ce d’autant plus qu’il est éloigné du domaine de l’art. Chargé de l’éducation, Le précepteur tend son index autoritaire. Son apparence déroutante ne l’empêche en effet pas de se montrer menaçant. Il est une figure à taille humaine, dont la silhouette et la structure interne alvéolée sont marquées par un cerne noir. On identifie différentes parties du corps (les yeux, la bouche, les mains, les jambes, etc.), mais le personnage nous apparaît sous une identité floue, en raison de sa surface grouillante. L’étrange créature se fait et se défait sans cesse sous nos yeux qui n’épuisent jamais ce qu’ils voient ou croient voir. L’artiste interroge le caractère permanent et univoque que l’on prête à la réalité. La diversité des traitements de chaque compartiment contribue elle aussi à la vibration visuelle de la sculpture.

Bibliographie

Max Loreau, Jean Dubuffet. Stratégie de la création, Paris, Gallimard, 1973 (coll. Le Chemin), p. 214-241.

Max Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet. Fascicule XX : L’Hourloupe I (1962-1964) et Fascicule XXI : L’Hourloupe II (1964-1966), Paris, J.-J. Pauvert, 1966 et 1968.