Théophile-Alexandre Steinlen
Le Rêve, 1890

  • Théophile-Alexandre Steinlen (Lausanne, 1859 - Paris, 1923)
  • Le Rêve, 1890
  • Photogravure typographique en couleurs, 82 x 63,1 cm
  • Acquisition avec le soutien de la Loterie Romande, de l'Association des Amis du Musée et de Pierre Gonset, 2008
  • Inv. 2008-040
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Cette affiche pour un ballet donné à l’Académie nationale de musique à Paris s’inscrit dans la passion pour l’Empire du Soleil Levant qui marque le dernier quart du XIXe siècle. Le « japonisme » est très largement favorisé par le rétablissement des relations commerciales sous l’ère Meiji, par la présence du Japon aux Expositions universelles et par le goût de l’exotisme dans la France coloniale. Un imaginaire de pacotille envahit alors les arts, dont témoigne ce Rêve, un ballet de Léon Gastinel, parsemé de marches de la déesse Benten et de valses de la Mikagoura !

Steinlen réunit ici tous les clichés attendus: cadres en bambous séparant les espaces réservés à la titraille, caractères typographiques mimant les lettres japonaises, éventail orné de figures empruntées aux mangas traditionnels, paysage à la lune et au pin blanc. Le kimono cependant laisse apercevoir un tutu, des jambes gainées de bas et des ballerines. Moitié geisha, moitié ballerine, la danseuse s’avance vers le spectateur, tout à la fois idole intouchable et femme vénale que le bourgeois est invité à rejoindre dans sa loge.

Cette affiche est parmi les toutes premières de Steinlen. Le dessin a été réalisé au roseau, pinceau et grattoir. L’artiste emprunte ses grands aplats de couleurs à l’estampe japonaise. Leur transparence est obtenue par la superposition de matrices pour chacune des cinq couleurs: ocre clair, ocre foncé, vermillon, gris et gris-bleu. Cet exploit technique est rendu possible par le « gillotage », un procédé photomécanique d’impression en relief inventé par l’autre signataire de ce placard publicitaire, l’imprimeur Charles Gillot, … un des plus grands collectionneurs d’art japonais de l’époque.

Bibliographie

Guy Ducrey, Tout pour les yeux. Littérature et spectacle autour de 1900, Paris, PUPS, 2010.

Philippe Kaenel, avec la collaboration de Catherine Lepdor, Théophile-Alexandre Steinlen. L’œil de la rue, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2008, n° 61.

Réjane Bargiel et Christophe Zagrodzki, Steinlen affichiste. Catalogue raisonné, Lausanne, Éditions du Grand-Pont, 1986, n° 10.