Bibliographie
Ariane James-Sarazin, avec la collaboration de Jean-Pierre Sarazin Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Tome 2 : Catalogue raisonné, Dijon, Éditions Faton, 2016, n° P. 939.
Gérard Sabatier et Béatrix Saule (dir.), Le Roi est mort. Louis XIV – 1715, cat. exp. Paris, Musée national de Versailles, Éditions Tallandier, 2015, p. 218.
Frédéric Elsig (dir.), De la Renaissance au Romantisme. Peintures françaises et anglaises du Musée des Beaux-Arts de Lausanne, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne n° 18, 2013, n° 17.
Avec son contemporain Nicolas de Largillierre, Rigaud domine le marché du portrait d’apparat français dans les premières décennies du XVIIIe siècle. Sa notoriété est établie dès son célèbre portrait de Louis XIV en costume de sacre (1701, Paris, Musée du Louvre). Il affirmera ensuite dans une production abondante sa science des poses convenues, la richesse intense de son coloris, sa virtuosité dans le rendu du moiré des draperies, et s’attirera la clientèle de la noblesse et de la grande bourgeoisie française et internationale.
Ce portrait montre la duchesse de Nemours de trois quarts, assise dans un fauteuil, le visage tourné vers le spectateur. Veuve depuis plus de quarante ans, âgée ici de presque quatre-vingts ans, elle porte le deuil en noir, une mode inaugurée à la cour par Anne de Bretagne en 1498. D’une main, elle retient les pans d’une mante nouée autour du cou tandis que, de l’autre, elle touche une couronne placée en arrière-plan sur un coussin de velours cramoisi. Les tonalités rouges utilisées pour les éléments du décor installent le modèle dans un écrin au centre duquel les carnations claires de son visage et de ses mains se détachent sur la masse sombre de sa robe. Mise en valeur par un habile effet d’éclairage, l’aristocrate, une des plus riches héritières du royaume, affiche ici clairement son rang. Les fleurs de lys qui ornent la couronne posée près d’elle désignent sa qualité de princesse de sang, issue de deux maisons royales de France.
Saint-Simon écrit dans ses Mémoires que Marie de Nemours « avait infiniment d’esprit avec une langue éloquente et animée, à qui elle ne refusait rien ». En donnant à la vieille dame une expression narquoise, Rigaud traduit à merveille son tempérament bien trempé qui s’illustre dans le combat qu’elle entame à partir de 1674 pour revendiquer l’héritage du comté de Neuchâtel, allant jusqu’à s’opposer au Roi-Soleil. En 1694, soutenue par le peuple neuchâtelois, elle sera reconnue sa souveraine légitime.