Bibliographie
Jacqueline Porret-Forel, assistée de Céline Muzelle, Aloïse Corbaz (1886–1964). Catalogue raisonné électronique (www.aloise-corbaz.ch), Chigny Fondation Aloïse, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 2012, n° 16.
Jacqueline Porret-Forel et Céline Muzelle, avant-propos de Pascale Marini, Sarah Lombardi et Catherine Lepdor, Aloïse. Le Ricochet solaire, Milan, 5 Continents Editions, 2012.
Jacqueline Porret-Forel, Aloïse et le théâtre de l’univers, Genève, Éditions d’Art Albert Skira, 1993.
La Lausannoise Aloïse Corbaz est gouvernante d’enfants, profession qu’elle exercera un temps en Allemagne, à la cour de l’empereur Guillaume II. De retour en Suisse en 1913, ses propos religieux exaltés et antimilitaristes, et son comportement agité, conduisent à son internement à l’hôpital psychiatrique de Cery, près de Lausanne, en 1918. Transférée à l’asile de La Rosière à Gimel en 1920, elle y demeure jusqu’à la fin de sa vie.
En cachette d’abord, Aloïse réalise ses premiers dessins au crayon et à l’encre, sur des supports de fortune de petites dimensions. Ici, elle a récupéré une carte postale imprimée qu’elle a réinterprétée pour un portrait où une immense couronne végétale enserre un petit visage féminin. La structure rayonnante du diadème renvoie à l’une de ses sculptures préférées, La Liberté éclairant le monde (1886) de Frédéric Auguste Bartholdi. L’ensemble prend la forme d’une grenade, fruit ou arme prête à être dégoupillée.
Aloïse comble le moindre vide du papier par des images et des mots. Au recto et au verso de cette carte se déroule un texte difficile à réorganiser, signé « Lulu », son surnom, et « Materdolorosa », référence à la douleur de perdre un enfant. Sont aussi évoquées des figures d’autorité de l’asile : ainsi, « Pape des protestants » renvoie à Gabriel Chamorel, pasteur lausannois charismatique pour lequel elle éprouva une violente passion. Le traumatisme de la guerre de 14-18 la poursuit (« l’armée anglaise à Genève »). Les métaphores renvoient à la couronne fleurie et à la lumière solaire (« la toison d’or », « essieux de l’unique roue du soleil », « tiare astrale »), mais aussi aux roses qui inspirent à la résidente de l’asile de La Rosière (!) des associations religieuses (« Rosaire », « Materdolo-rosa »). Enfin, il est question de son inspiration : Aloïse se décrit comme une mappemonde en univers, un corps frappé par un rayon solaire qui, ricochant sur sa surface, provoque un jaillissement d’images.