Bibliographie
Jacques Longchamp, Marc Louis Benjamin Vautier (dit l’Ancien). Une monographie, Genève, Slatkine, 2015, n° 75.
La peinture suisse entre réalisme et idéal (1848-1906), cat. exp. Genève, Musée Rath, Genève, Musée d’art et d’histoire, 1998, n° 82.
Sylvain Bauhofer, Benjamin Vautier (1829-1898). Chronique d’un village utopique, mémoire de licence, Université de Lausanne, 1993, n° 171
À l’époque où il peint ce tableau, le Vaudois Vautier est installé depuis quinze ans à Düsseldorf, où il mène une carrière couronnée de succès. Spécialisé dans la représentation de la vie rurale, le peintre innove ici en introduisant ses paysans dans un haut lieu de la culture citadine. Implicite dans sa production habituelle, l’opposition entre ville et campagne se voit soudain thématisée. C’est l’occasion pour le peintre d’aborder sur le plan moral la visite d’une exposition, un sujet que d’autres artistes, comme Honoré Daumier, exploitent alors sur le mode caricatural, pour se gausser de l’ignorance des masses populaires.
La composition décrit une large ellipse qui parcourt toute une galerie de types sociaux aux réactions contrastées. L’avancée du projet d’éducation par la fréquentation des beaux-arts – un postulat des Lumières – est mesurée au cas par cas. Au centre, une famille de paysans endimanchés contemple médusée une scène mythologique riche en nus féminins : les parents affichent leur gêne, les jeunes filles chuchotent et rougissent. En arrière-fond, un couple de bourgeois se délecte en bonne intelligence. À droite, un élégant protège ses yeux de la lumière des verrières, un gardien coiffé de son bicorne surveille et un vieillard instruit lit une brochure. Les groupes sont unis par une diagonale ascendante qui, de rouge en rouge, relie les bas de laine de la paysanne, le corsage de ses filles et le gilet du dandy.
Deux personnages retiennent l’attention : au fond à gauche, un homme le nez collé contre une toile, un artiste sans doute, un autoportrait de Vautier peut-être ; et au premier plan, un garçonnet coiffé d’une toque en fourrure qui regarde avec attention une petite peinture. À eux deux, ils symbolisent l’avenir de l’art et son futur public.