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La collectionBibliographie
Valérie Da Costa et Fabrice Hergott, Jean Dubuffet, Paris, Hazan, 2006.
Max Loreau, Jean Dubuffet : délits, déportements, lieux de Haut Jeu, Lausanne, Weber, 1971.
Michel Thévoz, Dubuffet, Genève, Skira, 1986.
Après avoir étudié à l’École des Beaux-Arts du Havre, sa ville natale, Dubuffet s’inscrit en 1918 à l’Académie Julian à Paris, où il ne reste que six mois. Peu convaincu par ses premières œuvres influencées par le surréalisme et par le cubisme, il abandonne les pinceaux. Après plusieurs années consacrées au négoce de vins, il tente une nouvelle fois la carrière de peintre en 1933, mais il y renonce en 1937 déjà. L’ultime tentative de la fin de l’année 1942 sera la bonne : Dubuffet n’abandonnera plus jamais la création artistique. Il se détourne alors de l’art « culturel », d’une tradition académique occidentale qu’il qualifiera d’« asphyxiante ». Admirateur de l’art des autodidactes, des « primitifs » et des « fous », il recourt dans sa production à des moyens sommaires, opte pour un tracé grossier et un dessin fruste. Il expérimente des matériaux hétérogènes et maçonne ses tableaux dans une pâte épaisse qu’il va ensuite gratter.
En lutte contre les canons de l’art classique, Dubuffet est à la recherche d’une nouvelle figuration. En témoignent les nombreux portraits d’écrivains et d’artistes rencontrés à partir de 1946 dans les salons du jeudi de la mécène américaine Florence Gould, grande figure du monde culturel parisien. Georges Limbour, Francis Ponge, Henri Michaux, et ici le poète Antonin Artaud, Dubuffet observe inlassablement chaque convive. Dessins, gouaches et peintures les montrent de face, réduits essentiellement à leur tête, les yeux largement ouverts et fixant le spectateur. Un tracé noir sommaire donne vie à une matière terreuse et fixe ces éléments essentiels du visage que sont les yeux, le nez et la bouche. Les modèles sont volontairement dépersonnalisés, l’artiste se refusant à préciser leurs caractères distinctifs. Ces représentations, qu’il qualifie d’« anti-psychologiques » et d’« anti-individualistes », se veulent des effigies traduisant non plus le leurre traditionnel des apparences, mais la force vive d’une présence au monde.