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La collectionBibliographie
Félix Labisse 1905-1982. Exposition rétrospective du centenaire de sa naissance, cat. exp. Douai, Musée de la Chartreuse, Carcassonne, Musée des Beaux-Arts, Gand, Éditions Snoeck, 2005, p. 120-123, n° 33.
Félix Labisse. Catalogue de l’œuvre peint. 1927-1979, Bruxelles, Isy Brachot Éditeur, 1979, n° 230.
En 1940, André Gide relit Le Procès (1925) de Franz Kafka, récit de l’arrestation de Josef K., un employé de banque pris dans l’engrenage de l’appareil judiciaire et condamné pour un crime dont la nature ne lui sera jamais révélée. Pour l’écrivain français, le roman du Praguois « échappe à toute explication rationnelle » par son réalisme qui « empiète sans cesse sur l’imaginaire », et aussi par « la sûre audace des embardées vers l’étrange ».
C’est pour proposer la première lecture existentialiste de ce texte majeur que les talents d’une pléiade d’artistes vont se conjuguer dans le Paris de l’immédiat après-guerre. Le 10 octobre 1947 a lieu au théâtre Marigny la première de son adaptation au théâtre par André Gide. Jean-Louis Barrault tient le rôle Joseph K. ; Madeleine Renaud celui de Leni. Les fonds sonores sont de Joseph Kosma et Pierre Boulez. Quant aux décors et aux costumes, ils sont signés Félix Labisse, que Barrault considère comme « un frère de cœur » depuis leur rencontre en 1932.
Peintre autodidacte parrainé à Ostende par James Ensor, Labisse monte à Paris où il produit, en marge du surréalisme, des peintures influencées par René Magritte. Les décors qu’il imagine pour Le Procès font sensation : vingt panneaux traités en camaïeu de gris montent et descendent des cintres, créant des espaces cauchemardesques. Ce portrait de Barrault grimé et portant le costume de Josef K. garde le souvenir de cet épisode marquant de l’histoire du théâtre. Dans cette toile aux tonalités verdâtres, les « embardées vers l’étrange » dont parlait Gide naissent de l’association d’un portrait hyperréaliste et d’un décor comme surgi d’un rêve où des chaises vides, posées le long d’un tunnel menant à un escalier baigné de lumière, sont comme les stations du cheminement absurde de l’être humain vers la mort.