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La collectionBibliographie
Ethel Mathier (dir.), Ernest Biéler. Geträumte Wirklichkeit / Réalité rêvée, cat. exp. Berne, Musée des beaux-arts, Martigny, Fondation Pierre Gianadda, 2011.
Jörg Zutter et Catherine Lepdor (dir.), Ernest Biéler (1863-1948). Du réalisme à l’art nouveau, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Soleure, Kunstmuseum Solothurn, Milan, Skira, 1999.
Madeleine Biéler, Ernest Biéler. Sa vie, son œuvre, Lausanne, Éditions à La Louve – Charles Bonnard, 1953.
En 1909, le Vaudois Édouard Rod est un membre éminent de la colonie suisse de Paris. Disciple de Zola, chef de file de « l’intuitivisme », il accueille dans sa maison de Passy de nombreux jeunes écrivains et artistes qu’il parraine, tels C. F. Ramuz ou René Auberjonois. Ce portrait de grand format, achevé une année avant son décès, est le fruit d’une commande passée à Biéler par le Musée de Lausanne. Rod est montré perdu dans ses pensées. Il pose de trois-quarts, assis dans un fauteuil, un bras nonchalamment appuyé sur l’abattant de son secrétaire. Tous les attributs de l’écrivain sont réunis, du chat « baudelairien » à la bibliothèque de l’érudit, en passant par la plume posée sur la page, l’encrier et le coupe-papier. Un sablier semble murmurer ars longa, vita brevis.
L’œuvre se situe à une période charnière de la carrière de Biéler. Lassé d’être catalogué peintre des paysans suisses, l’artiste s’apprête à quitter Genève pour revenir à Paris et y tenter une nouvelle percée. Il a opéré en 1906 une reconversion du réalisme vers l’Art Nouveau et mis au point un style qu’il a baptisé le « graphisme » : composition décorative, ligne sinueuse enserrant les surfaces planes et juxtaposées, palette claire et mate, et abandon de l’huile au profit de la tempera à l’œuf.
Exposé en 1909 au Salon de la Société nationale des beaux-arts, ce beau portrait de Rod, subtil camaïeu de tons chauds, est cependant critiqué vertement par le peintre Charles Giron, en première page de la Gazette de Lausanne : Biéler se serait contenté d’imiter une formule « moyennageuse », appartenant en réalité à son compatriote Eugène Grasset, et l’usage de la tempera aurait pour résultat « une image d’une sécheresse excessive et d’une jaunâtre coloration » !