Bibliographie
Serge Lemoine (dir.), Le théâtre de l’Œuvre, 1893-1900. Naissance du théâtre moderne, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Milan, 5 Continents Editions, 2005.
Claude Roger-Marx, L’œuvre gravé de Vuillard, Monte-Carlo, A. Sauret, 1948, n° 18.
L’Œuvre, théâtre parisien d’avant-garde, est fondé en 1893 par l’acteur Lugné-Poe, l’écrivain Camille Mauclair et le peintre Vuillard. Opposants déclarés des scènes officielles, mais aussi de l’illusionnisme du Théâtre libre d’Antoine, à la recherche de nouvelles formules pour un théâtre d’art et d’idées à l’heure du symbolisme, les trois hommes entraînent dans leur aventure nombre de jeunes artistes qui illustrent les «litho-programmes» diffusés auprès des abonnés, conçoivent et réalisent les décors et les costumes. Vuillard et ses amis nabis sont bien sûr les premiers sollicités.
À ses débuts, l’Œuvre promeut les auteurs symbolistes français et s’engage dans la défense du théâtre nordique, se faisant le champion d’Henrik Ibsen, d’August Strindberg et de Bjørnstjerne Bjørnson. Le présent programme réunit deux lithographies de Vuillard. À gauche, une réclame pour La Revue blanche, dirigée par les frères Natanson, anciens condisciples de Lugné-Poe au lycée Fontanes. À droite, les titres et les distributions de deux pièces présentées le 13 février 1894 aux Bouffes du Nord, Au-dessus des forces humaines, du Norvégien Bjørnson, et L’Araignée de cristal de l’égérie parisienne Rachilde. Se trouvent ainsi réunies sur une même feuille d’impression une foule sinistre rassemblée autour d’un cadavre sous un crucifix, et trois jolies jeunes femmes surprises dans le désordre froufroutant d’un intérieur parisien. En première de couverture du programme, des lettres tracées au pinceau et des aplats de noir creusés à la plume, et en quatrième, une légèreté aérienne servie par un crayon caressant. Parmi les critiques d’art effarouchés par trop de modernité, l’un devait déclarer: «un morceau de papier barbouillé de grossiers caractères et sali d’un dessin puéril.» !