Bibliographie
Jill Gasparina (éd.), Comment peut-on être (du village d’à côté) persan (martien) ?, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, coll. Jardin d’Hiver no 1, 2021.
Roxane Bovet, « Yoan Mudry. Dirty like a smiling fish », texte de présentation, exposition Yoan Mudry, Bâle, Galerie Nicolas Krupp, 2014, disponible en ligne: nicolaskrupp.com
Diplômé de la Haute école des arts et du design de Genève (2014), Mudry développe une réflexion sur la saturation des images, l’excès d’informations et la multiplication des flux narratifs qui irriguent notre quotidien. Il y répond en croisant, recomposant et superposant différentes sources (images et textes repris sur internet, bandes dessinées, dessins animés, références à l’histoire de l’art, etc.) dans un corpus varié qui se décline principalement en peintures, mais aussi en sculptures, performances, vidéos et installations.
Avec la série Reflections on Painting, débutée en 2021, Mudry revisite le genre du portrait. Les toiles de cet ensemble, similaires par leur format monumental, leur composition et leur style hyperréaliste, cadrent à chaque fois, sur fond blanc, un visage dont le regard fixe l’observateur. Mudry les a réalisées à partir de photographies trouvées sur internet, qu’il a ensuite projetées sur sa toile, esquissées à l’acrylique, puis retravaillées à l’huile. Dans la partie inférieure des portraits, une bande blanche affiche en noir des citations au sujet de la peinture, dont les autrices ou auteurs ne sont jamais cité∙e∙s, et que l’artiste a reformulées avant de les associer arbitrairement aux personnalités représentées.
Mudry choisit pour modèles des « exploratrices et des explorateurs » qui naviguent « entre deux mondes », comme il l’a expliqué lors d’un entretien en 2022. Ainsi a-t-il déjà représenté dans cette série Neil Armstrong, Frantz Fanon, E.T. et, ici, Jane Goodall. La célèbre éthologue et anthropologue britannique s’est faite la porte-parole des animaux, notamment des chimpanzés, auprès des êtres humains. La phrase qui lui est attribuée – « Easier to change ideologies than painters » (« Plus simple de changer les idéologies que les peintres ») – n’a aucun lien immédiat avec son parcours, si bien que l’association libre de l’image et du texte crée une ambigüité. Isolés de leurs contextes respectifs et ici réassemblés en porte-à-faux sur la toile, ces éléments font miroir à une forme d’attention dispersée, qui happe et recompose des bribes disparates d’un flux de références et d’actualités constants.