Bibliographie
Marquet. Vues de Paris et de l’Île-de-France, cat. exp. Paris, Musée Carnavalet, 2004-2005, Paris, Paris Musées, 2004, n° 52.
Albert Marquet : peintre du temps suspendu, cat. exp. Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris, Paris Musées, 2016, cat. 49.
En août et septembre 1917, Marquet s’installe sur les bords de la Seine à Samois, village à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Paris. Une fois trouvé l’endroit propice, il déploie son chevalet pour plusieurs séances de travail. Si, comme Claude Monet, il peint plusieurs fois un même motif, ce n’est pas, à la différence de celui-ci, pour capter un moment fugitif, une impression passagère. Au contraire, par des coups de pinceaux affirmés, il immobilise l’eau et le ciel, fige les ondes du fleuve et arrête les nuages.
Samois, l’île est une peinture sobre, concise et dense. Sa construction rigoureuse est éloquente. Comme Monet encore qui en a fait un de ses motifs privilégiés, Marquet s’intéresse ici aux rives ombragées d’arbres se reflétant dans l’eau. S’il interroge lui aussi le mystère d’une image qui se dédouble, en revanche il ne s’intéresse pas à la diffraction de la lumière. Son traitement de la dissolution des formes sous l’effet des ondes de l’eau montre combien son approche diffère de celle des impressionnistes fascinés par l’éphémère. Marquet conserve tout son poids à la masse des arbres sans atténuer la densité de leur feuillage. Il inverse l’architecture du quai et des maisons en faisant à peine vibrer leurs lignes dans le miroir aquatique. Même parti pris dans le registre de la couleur : l’ancien Fauve n’allège pas les verts puissants des feuillages et c’est à peine si l’orangé de la façade de la maison s’estompe dans l’eau pour ne plus souligner véritablement que le bord de la toiture.
Une grande impression de calme se dégage de la toile : les passants déambulent en silence et le pêcheur attend patiemment qu’un poisson vienne mordre à l’hameçon. Comme l’eau du fleuve, la vie coule sans aucun remous. Marquet parvient dans cette œuvre à la synthèse d’un paysage presque intemporel et d’un moment de vie qui se prolonge indéfiniment dans le temps.