Bibliographie
Thomas Huber, Catherine Othenin-Girard et alii, Pierre Schwerzmann/Pierre Schwerzmann, Genève, Boabooks, 2013.
Stéphanie Bédat, Robert Ireland et Pierre Schwerzmann, Pierre Schwerzmann : travaux récents, cat. exp. Genève, Skopia art contemporain, 2001.
Marc-Olivier Wahler, Stephan Landry, Claudio Moser, Pierre Schwerzmann, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts, coll. Regard sur le présent, 1992.
Depuis les années 1970, Schwerzmann interroge la condition de la peinture non en tant qu’objet culturel mais en tant qu’espace de perception. Il s’est tantôt concentré sur le châssis, tantôt sur la toile, qu’il a pliée, déchirée, incisée, ou encore qu’il a partiellement rendue visible ; il a introduit des objets dans le plan du tableau ; il a superposé des toiles de même couleur mais de formats différents ; il a utilisé des surfaces en miroir. Ces stratégies, souvent destinées à miner l’illusionnisme de l’espace pictural, participent de la même réflexion sur ce qu’est le geste de peindre et sur ce à quoi l’attention portée à la peinture permet d’accéder.
Schwerzmann a souvent placé un dégradé en arrière-plan de ses œuvres. Il en aime les effets de distorsion. Le dégradé ouvre un espace dans le tableau grâce à la profondeur créée par la dissolution depuis le noir jusqu’au blanc, baie lumineuse dans le centre de la toile, mais aussi à gauche ou à droite de celle-ci, en haut ou en bas. Parfois, la présence disruptive d’une forme peinte, pleine et plane, de couleur unie, plaquée sur le dégradé, perturbe le regard, qui peine à se fixer – la forme est lisible alors que l’espace sur lequel elle repose la contredit. Dans un entretien avec l’artiste Robert Ireland en 2000, Schwerzmann explique que, pour lui, le fond, « c’est un acteur à part entière qui travaille à dilater et à contracter cette échelle de gris […] », ajoutant que « […] s’il n’est pas en couleur, c’est parce que la couleur nous distrairait de la fonction que j’attribue ici à la valeur : produire cet effet spatial, cette vague de fond ».
Dans cette œuvre de 2010, point de forme qui parasite le rapport au fond, mais un seul et unique langage pictural. La jonction graduelle du noir et du blanc produit une zone de vibration et l’illusion optique d’une aire concave autant que convexe qui invite à s’en approcher pour faire le constat qu’il ne s’agit bien que d’une surface peinte.