Bibliographie
Magdalena Abakanowicz, Mary Jane Jacob et Jasia Reichardt, Magdalena Abakanowicz, cat. exp. Chicago, Museum of Contemporary Art and Chicago Public Library Cultural Center, Montréal, Musée d’Art Contemporain, Portland, Portland Art Museum and Portland Center for the Visual Arts, Dallas, Dallas Museum of Fine Arts, Los Angeles, Frederick S. Wight Art Gallery of the University of Calfornia, New York, Abbeville Press, 1982.
Magdalena Abakanowicz, Magdalena Abakanowicz. 21 dessins au fusain, cat. exp. Paris, Galerie Jeanne Bucher, 1982.
Exposée dans plusieurs éditions de la Biennale de la Tapisserie organisées au Musée entre 1962 et 1995, Abakanowicz marque le public en présentant ses grands tissages suspendus dans l’espace, les Abakans (1966-1975). La série des Têtes, qu’elle réalise au fusain et en lithographie au début des années 1980, n’est pas sans rappeler la forme des Abakans les plus simples. Ces visages comme fendus en leur centre sont simultanément plans et volumineux. Ce double effet est produit d’une part par l’arrondi de la tête tracé avec des gestes amples, et d’autre part par la face elle-même travaillée par des traits courts et pluridirectionnels. Abakanowicz fait coexister deux états du dessin : l’épure et l’illusion de la forme tridimensionnelle qui émerge peu à peu.
Chacun de ces grands visages est construit par une croix dont l’axe horizontal situe le niveau des yeux et l’axe vertical marque la place du nez et la zone entre les arcades sourcilières. Abakanowicz dessine à plat, sur le sol. Elle explore la gamme des effets du fusain. À certains endroits, elle travaille avec la pointe du bâton laissant des marques d’un noir dense, à d’autres elle les estompe. Elle utilise aussi la largeur du fusain qu’elle frotte ; la matière pulvérulente s’attache alors au grain du papier et en révèle la structure. Enfin, l’artiste profite du fait que le fusain s’efface facilement en raison de sa faible adhérence au support et elle emploie la gomme pour ouvrir des interstices lumineux ou accentuer le relief du visage.
Yeux clos et bouche muette, cette Tête semble plongée dans le silence. L’attitude de repli, de même que la maigreur suggérée du visage interpellent et provoquent un sentiment d’empathie chez le public. D’origine polonaise, Abakanowicz est marquée par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Fragments de corps où se concentre l’introspection, ses Têtes nous renvoient la souffrance intériorisée d’êtres humains habités par un drame autant que l’image d’un mort recouvert d’un suaire.