Bibliographie
Deborah Schultz, Marcel Broodthaers. Strategy and Dialogue, Berne/Oxford, Peter Lang, 2007.
Catherine Lepdor, « Sourires en pots de Marcel Broodthaers », in Le Miroir vivant : René Magritte, Marcel Broodthaers, Bruce Nauman, Markus Raetz, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne no 6, 1997, p. 20-26.
Véronique Dabin et Catherine David (éd.), Marcel Broodthaers, cat. exp. Paris, Galerie nationale du Jeu de Paume, Madrid, Centro de Arte Reina Sofia, Paris, Réunion des musées nationaux, 1991.
Artiste à la carrière aussi brève que prolifique (livres, films, photos, sculptures, objets, dessins, installations, etc.), Broodthaers inaugure son entrée dans le monde de l’art en intitulant sa première exposition à la Galerie Saint-Laurent à Bruxelles, en avril 1964 : Moi aussi, je me suis demandé si je ne pouvais pas vendre quelque chose et réussir dans la vie. Cela fait un moment déjà que je ne suis bon à rien. Je suis âgé de quarante ans… Dans cette exposition, il présente sa toute première sculpture intitulée Pense-Bête (Gand, S.M.A.K., dépôt à long terme de la Collectie Vlaanderen), un paquet de cinquante exemplaires de son ultime plaquette de poèmes, pris dans du plâtre. Le ton est donné, et l’exposition inaugure une pratique qui ne cessera de décliner avec humour, finesse et intelligence les jeux de significations entre image, objet et écriture.
En 1966, le Musée expose deux œuvres de Broodthaers lors du 2e Salon international de galeries pilotes, dont la Tour de Babel. Celle-ci est constituée de sept rangées de bocaux en verre contenant chacun la même image d’un fragment de visage féminin – un nez et une bouche souriante – tirée d’un magazine, agencées en cercle sur sept planches en bois circulaires, superposées pour former une tour qui pourrait continuer à l’infini. La même année, Broodthaers réalise la Tour visuelle (Édimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art) construite sur le même principe, mais présentant l’image d’un œil grand ouvert à la place du sourire. À l’instar des Nouveaux Réalistes ou des artistes du Pop Art, Broodthaers, dans ses premières œuvres, met en scène des objets de la vie quotidienne – ici des pots en verre et des images publicitaires, ailleurs des moules ou des coquilles d’œufs – et souligne leur caractère sériel par la répétition et l’accumulation. Si, au contraire d’autres œuvres de la même époque, la Tour de Babel ne contient pas de texte, son titre permet une lecture supplémentaire – à la répétition de bouches identiques s’oppose la multiplicité des langues de la Babel biblique, métaphore par excellence du caractère équivoque du langage humain.