Bibliographie
Caroline Bourgeois et Jean-Pierre Criqui, Albert Oehlen : Cows by the Water, cat. exp. Venise, Palazzo Grassi, Venise, Marsilio, 2018.
Judicaël Lavrador et Françoise Cohen, Albert Oehlen, cat. exp. Nîmes, Carré d’art – Musée d’art, Paris, Archibooks + Sautereau, 2011.
Ralf Beil (éd.), Albert Oehlen. Selbstportrait mit 50millionenfacher Lichtgeschwindigkeit. Peintures/Malerei 1980-2004, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Salamanca, Domus Artium, Nuremberg, Kunsthalle Nürnberg, Zurich, JRP Ringier, 2004.
Formé à la Hochschule für bildende Künste de Hambourg à la fin des années 1970, Oehlen fait partie d’une génération d’artistes qui remet la peinture et son potentiel critique au centre de ses préoccupations, en réaction contre l’art minimaliste et conceptuel. L’année où il réalise la toile conservée au Musée est celle de sa première exposition personnelle et de ses premières collaborations avec Martin Kippenberger et Werner Büttner.
Untitled est donc une œuvre de tout début de carrière, encore profondément marquée par la gestuelle de ceux que l’on a appelés les Nouveaux Fauves, et dont la peinture se caractérise par une forte expressivité et un retour à la figuration. Mais pour Oehlen, la question première est bien de savoir comment peindre encore, aujourd’hui, hors de tout conformisme, comme l’indique le titre de sa première toile, Gegen den Liberalismus (1980, coll. privée). Il rejette ainsi toute virtuosité picturale, tant dans le geste que dans la composition. Mais à regarder la charge expressive qui se dégage de l’œuvre, sa composition parfaitement maîtrisée en deux plans bien distincts, sombre pour la moitié inférieure, claire pour la moitié supérieure, ponctuée simplement de deux éléments iconographiques puissamment connotés (la croix et le crâne), on est plutôt tenté de dire qu’Oehlen réalise avec virtuosité des toiles anti-virtuoses. Exécutée au moyen de larges coups de brosse et de pinceaux chargés de matière jusqu’à créer par endroits des coulures, dans des teintes qui vont du blanc au noir, en passant par toute une gamme de couleurs sombres et « sales », Ohne Titel peut se lire comme un manifeste du jeune artiste qui déclare en 1991 : « Le but de notre étape était alors de martyriser la peinture à l’aide de motifs aussi percutants que possible et surtout lourds d’associations, pour nous départir des contraintes techniques. » Ainsi, si le choix de la croix et du crâne renvoie aussi bien à l’histoire de la peinture qu’à celle de l’Allemagne, ce qui se joue avant tout ici, c’est un rapport à la peinture dans sa matérialité, afin de sonder les conditions mêmes de sa possible survie.