Bibliographie
Itzhak Goldberg et Arnulf, Rainer, Arnulf Rainer. Visages dérobés, cat. exp. Paris, Galerie Lelong, Repères – Cahiers d’art contemporains no 132, 1996, p. 38-[42].
Erika Billeter (dir.), Chefs-d’œuvre du Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne. Regards sur 150 tableaux, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 1989.
Rainer crée ses premières Übermalungen en 1952 : il recouvre de peinture des reproductions d’œuvres d’art, parfois jusqu’à les rendre méconnaissables. Il repeint aussi ses propres toiles et attaque son visage avec la même fougue dans la série des autoportraits Face Farces (1970-1975), des photomatons agrandis et rehaussés.
Ces photographies, pour lesquelles il fixe l’objectif en grimaçant ou en faisant la moue, sont balafrées et souillées d’un geste vif. L’artiste s’intéresse à la représentation de la folie. Il s’inscrit en outre dans la tradition nordique de l’autoportrait expressif et de ses modifications, des interventions successives de Rembrandt sur son image gravée aux sculptures Têtes de caractère de Franz Xaver Messerschmidt.
Rainer se dé-figure doublement. Dans un premier temps, il pose sans chercher à s’embellir. Il explore les ressources de la communication corporelle en adoptant les expressions faciales les plus absurdes, déformant simultanément les différentes parties de son visage : les mimiques déconcertent quant à leur signification et elles ne sont pas plaisantes à regarder. Rainer intervient ensuite à la main, comme ici, en striant son image au pinceau chargé de peinture acrylique noire et bleue. Plus que de détruire la lisibilité de l’image, il introduit un élément de tension entre lui et le spectateur confronté à son étrange attitude.
Faire face à cet homme à l’individualité déniée instaure un certain malaise. Le geste de l’artiste renvoie à un tabou et à un acte iconoclaste ; les inscriptions manuscrites dans la partie inférieure de la photographie (signature, date et lieu, sur le négatif) pondèrent néanmoins ce geste en le situant dans un cadre artistique et en affirmant l’identité de Rainer par l’intermédiaire de son nom. L’œuvre se situe dans le contexte des performances des actionnistes viennois qui les enregistraient au moyen de la photographie et avaient fait de leur corps l’espace de la peinture.