Eugène Viollet-le-Duc
Vue du lac Léman et des Alpes, 1879

  • Vue du lac Léman et des Alpes, 1879
  • Crayon, aquarelle et gouache sur papier beige, 29 x 41,3 cm
  • Acquisition, 1918
  • Inv. 1933
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

L’architecte Viollet-le-Duc réalise cette aquarelle l’année de son décès, alors qu’il travaille à la rénovation de la cathédrale de Lausanne. Les rives vaudoises du lac Léman, vierges de toute urbanisation, occupent la moitié inférieure de la feuille. Le papier beige traité en réserve, les tonalités terreuses sur les coteaux de part et d’autre du cours d’eau, de même que les petits coups de pinceau rapides donnent l’effet d’une végétation pauvre et clairsemée. Le contraste avec la moitié supérieure où se découvrent le lac et les Alpes de Savoie est important. Là, Viollet-le-Duc utilise d’abord le crayon pour restituer l’architecture des montagnes avec une extrême précision. Un lavis bleu est ensuite appliqué sur le lac et les montagnes, dont l’enneigement est indiqué par des rehauts de gouache blanche.

 

Sur la gauche de la composition, le Haut-Lac se trouve pris dans une épaisse couche de glace, dont des morceaux semblent se détacher et voguer sur la vaste étendue bleue. La présence d’un paysage de 1879 exécuté à Lausanne et intitulé Fin de l’époque glaciaire. (Étude de restitution) dans le catalogue d’une exposition posthume donne une clé de lecture intéressante. En effet, Viollet-le-Duc se rend régulièrement dans les Alpes dès les années 1860 et en ramène des dessins et des aquarelles servant ensuite à ses études sur la formation géologique des montagnes, le recul des glaciers ou l’évolution du paysage alpin.

 

Viollet-le-Duc partage l’engouement des années 1870-1890 pour l’imagerie liée aux révolutions climatiques et aux hommes primitifs. Comme Charles Gleyre qui, des années auparavant, faisait office de précurseur avec ses Éléphants et son dessin préparatoire Paysage antédiluvien (tous deux de 1856, conservés au Musée), il allie ici observation et imagination pour proposer une rare interprétation de ce à quoi aurait pu ressembler le paysage lémanique en voie de déglaciation.

Bibliographie

Exposition de l’œuvre de Viollet-le-Duc ouverte au Musée des thermes et de l’Hôtel de Cluny, cat. exp. Paris, Hôtel de Cluny, Paris, Imprimerie Centrale des Chemins de Fer, Paris, A. Chaix et Cie, 1880, cat. 646.

 

Pierre Frey (dir.), E. Viollet-le-Duc et le Massif du Mont-Blanc 1868-1879, Lausanne, Payot, 1988.

 

Danielle Chaperon, « 1856 : Un paysage trompeur », in Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, p. 191-197.